La femme de valeur, un modèle? Réflexion sur Proverbes 31/10-31

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Le livre des proverbes nous propose comme dernier texte un magnifique poème en acrostiche sur l’alphabet hébraïque. Ces 22 versets nous présentent le portrait d’une femme décrite par certains comme vertueuse, par d’autres comme vaillante ou de valeur.

Bien entendu, ces lignes poétiques doivent être lues dans le contexte de l’ensemble du livre des Proverbes dans lequel le thème de la femme y est très présent, surtout pour illustrer l’opposition entre la folie et la sagesse. Ainsi donc, la fin du livre vient donner une dernière illustration très frappante de la femme qui agit sagement dans la crainte de Dieu (v.30) en opposition à la femme qui peut être attirante extérieurement, mais qui utilise ses charmes pour entrainer l’homme vers sa chute.

En raison de la beauté du portrait féminin qui est décrit sous la plume de l’auteur, ce texte est régulièrement cité pour encourager les épouses. De fait, on y découvre un catalogue de qualités assez extraordinaires : fidèle, fiable dans sa gestion, entreprenante, assurant une certaine prospérité avec un sens évident des affaires, travailleuse, cherchant toujours le bien et rejetant le mal, remplie de discernement, attentive et généreuse, offrant fierté et honneur à son mari, prévoyante, vigilante, parlant avec sagesse et agissant toujours dans la crainte de l’Éternel, belle, ex cetera, bref une femme dont on loue tous les mérites.

Bien entendu, ce poème est une source d’encouragement à rechercher ces qualités. Pour autant, doit-on considérer le modèle de cette femme comme normatif ? Notons au moins deux éléments qui nous invitent à ne pas répondre par l’affirmative à cette question. Premièrement, le poème commence lui-même par la question : « Une femme de valeur, qui la trouvera ? ». Le poème ainsi débuté laisse sous-entendre qu’il décrit une femme sage dans toute sa perfection, mais assez éloignée de la réalité, au mieux un idéal inaccessible. Deuxièmement, l’auteur développe le poème en partant du profil d’une femme aisée, ayant des moyens non négligeables, ainsi qu’un sens aigu des affaires. Sans vouloir en aucune façon dénigrer les qualités de très nombreuses femmes, reconnaissons néanmoins qu’il ne s’agit pas d’une situation si fréquente dans la pratique.

Ainsi donc, force est de constater qu’il est difficile de pouvoir prendre ce texte comme un exemple normatif à suivre en tout point. Et cela doit nous amener à lire ce passage biblique avec un recul plus grand, de sorte à y voir aussi la dimension spirituelle.

La perfection de la femme ici décrite peut nous amener à considérer une réalité qui n’est pas directement de ce monde, mais plus une promesse d’une réalité idéale seulement accessible en Dieu. Au verset 18, il est écrit : « sa lampe ne s’éteint pas de la nuit. » Pour le lecteur chrétien, ce détail fait fortement écho à une parabole du Christ en Matthieu 25,1-13. Par cette petite histoire avec deux groupes de femmes, Jésus, rempli de la sagesse de Dieu, explique une facette de la réalité du Royaume des cieux en contrastant folie et sagesse, insouciance et prévoyance, à la manière du livre des Proverbes. N’est-il donc pas légitime de voir dans le poème de la femme vaillante un aspect de la réalité merveilleuse du Royaume ?

Et pourquoi ne pas oser une lecture du texte plus audacieuse encore. Plusieurs textes du Nouveau Testament (par exemple 2 Co 11,2 ou Ap 19,7-8) utilisent l’image du couple comme illustration de l’union entre le Christ et l’Église. Cette dernière est alors présentée comme cette épouse merveilleuse donnée à Jésus-Christ l’époux. Dès lors, tentons une lecture du poème en considérant l’épouse comme l’Église du Christ. Si nous reprenons la liste des qualités donnée plus haut, cela donnerait cette nouvelle liste : une Église fidèle, fiable dans sa gestion, entreprenante, une Église assurant une certaine prospérité avec un sens évident des affaires, travailleuse, une Église cherchant toujours le bien et rejetant le mal, remplie de discernement, attentive et généreuse, une Église offrant fierté et honneur au Christ, prévoyante, vigilante, une Église parlant avec sagesse et agissant toujours dans la crainte de l’Éternel, une Église belle, bref une Église dont on loue tous les mérites.

Etonnant de constater combien cette liste s’adapte merveilleusement bien à l’Église. Bien sûr, on pourrait vite évoquer l’argument que l’Église n’est pas forcément plus aisée que la majorité des femmes, sauf si on comprend la notion de moyens, d’aisance, comme étant les dons spirituels que l’Église a reçus de la part de Dieu. Tel une dot, le Père n’a-t-il pas tout remis au Christ l’époux, qui lui-même confie ce fabuleux trésor à l’Église, l’épouse ?

Dans une telle perspective, il paraît évident que prophétiquement le dernier poème du livre des Proverbes propose un canevas de fonctionnement idéal pour l’Église dans sa relation privilégiée avec le Christ. Et dans ce modèle, chaque chrétien, femme ou homme, est impliqué. Chacun de nous est appelé à vivre avec la sagesse dans la crainte de Dieu de sorte à honorer l’Époux et honorer la confiance incroyable qu’Il accorde à l’Église. Tous les vers du poème peuvent faire l’objet d’une réflexion sur la manière d’être Église du Christ. En guise d’illustration, citons deux exemples. L’Église doit pouvoir se montrer entreprenante pour se développer. Autre exemple, l’Église doit se montrer attentive et généreuse envers les plus faibles. Sans être exhaustif, voilà déjà deux éléments qui montrent très rapidement l’opportunité de pouvoir réfléchir nos projets d’Église sur base du poème de la femme de valeur. Parce que l’Église le vaut bien !

Emmanuel Coulon