Petite théologie pour minorité active (3/3): proclamer! Past. Jean-Claude Thienpont

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Mais vous, vous êtes la lignée choisie, une communauté royale de prêtres… afin que vous alliez annoncer ses œuvres magnifiques. (1 Pierre 2v9)

Chez nous, de plus en plus de gens et de responsables politiques estiment que le monde se porterait tellement mieux s’il n’y avait pas les religions, y compris la religion chrétienne. Dès lors, comment concevoir notre rôle vis-à-vis de la société, au-delà des individus? La tentation est grande, avouons-le, dans une perspective pessimiste, de laisser « le monde courir à sa perte », et de se concentrer uniquement sur la communauté chrétienne et ses membres. C’est là notre zone de confort!

S’appuyant sur la première épitre de Pierre, Stefan Paas, dans son livre déjà cité précédemment (Etrangers et prêtres), observe cependant que les chrétiens auxquels la lettre s’adresse sont désignés non seulement comme des immigrés, des étrangers, dispersés sur cette terre (1v1), mais également comme un peuple royal de prêtres, chargé de proclamer les grandes œuvres de Dieu (2v9). 

Que représente cette prêtrise néotestamentaire? 

Sous l’ancienne alliance, les prêtres portaient vers Dieu les prières et les offrandes du peuple. Ils assuraient en permanence le culte, 24 heures sur 24, avec tout ce que cela impliquait en termes de louange et d’adoration. D’autre part, ils avaient la charge de transmettre la Parole de Dieu, de l’enseigner et d’en rappeler les termes, d’en promouvoir et accompagner l’application, tant auprès du peuple que des dirigeants. Ces deux mouvements, ascendant et descendant, se complétaient. Notons aussi que d’après Exode 19v6, le peuple entier était appelé à jouer ce rôle parmi les nations. Les prêtres et les lévites en étaient donc le fer de lance, la pointe exemplaire. 

Plus que jamais, sous la nouvelle alliance, ce rôle est dévolu non pas à une tribu, à un groupe mis à part au sein de la communauté chrétienne, ou à des spécialistes, mais à l’ensemble des croyants, de façon collective. On appelle cela le sacerdoce universel ou le sacerdoce commun des croyants. Et Paas conclut: cette mission ne dépend pas du nombre. Il est intrinsèque à la nature de l’Eglise. 

Tous ensemble, nous sommes donc appelés, premièrement, à prier, louer et adorer le Seigneur. C’est une responsabilité permanente et cruciale des croyants. Elle n’a pas d’autre objectif que de faire en sorte que le Seigneur soit glorifié sur la terre. « Dieu le veut »! On n’aurait pas dû utiliser ce slogan pour justifier les croisades et leur triste cortège de violences, mais on peut l’utiliser pour l’adoration, qui dans le vocabulaire hébreu est aussi désigné comme un « travail », un service. Dieu nous y appelle de façon permanente, indépendamment de nos forces ou de nos faiblesses. 

Deuxièmement, toujours tous ensemble, nous avons la charge de proclamer, d’enseigner (donc de transmettre) et de témoigner. Et pas uniquement en interne, entre soi. Car indépendamment des résultats escomptés ou obtenus, indépendamment des risques encourus, le peuple de Dieu, même ultra minoritaire, a une responsabilité prophétique au sein de la société, vis-à-vis des individus, et par rapport aux autorités ou autres dirigeants. 

A cet égard, Jean-Paul Willaime, éminent sociologue, spécialisé dans l’étude du protestantisme français, note avec une certaine satisfaction que « Le protestantisme assume une présence affirmée dans l’espace public et refuse une laïcité conçue comme une neutralisation-invisibilisation religieuse de la vie sociale. » 

Telle est effectivement notre responsabilité. Sel de la terre et lumière du monde, le peuple des croyants, ce peuple royal de prêtres, a pour mission d’indiquer au monde des voies salutaires et de dénoncer celles qui mènent à la mort. Il ne s’agit pas de dominer, mais d’éclairer. Ou encore d’évangéliser, premièrement dans le sens de faire connaître le salut en Jésus-Christ, mais aussi, et de façon active, d’orienter le plus possible les actions humaines, dans tous les domaines de l’existence, vers ce qui correspond à la volonté bienveillante de Dieu pour l’humanité. Tous n’auront pas autant d’influence que Daniel à Babylone, par exemple, mais chacun et chacune à son niveau, autant que faire se peut, et encore plus de façon collective, aussi concertée que possible, nous sommes appelés à être si possible des influenceurs, et sinon au moins des lanceurs d’alerte, qui éveillent la conscience de la société. Dieu nous appelle à être une minorité active! 

Seigneur, permets que, toujours plus, nous correspondions consciemment et pleinement à ce à quoi tu nous as appelés: être une minorité active, un collectif dynamique, qui ne cesse de glorifier ton nom sur la terre et qui porte ton message aux oreilles du monde. Avec foi. Amen.  

1Stefan Paas, Vreemdelingen en Priesters – Christelijke missie in een postchristelijke omgeving, Boekencentrum, 2015/2016. [Etrangers et Prêtres – Mission chrétienne dans un environnement postchrétien]

2Jean-Paul Willaime, « Les protestants en France, une minorité active ». fondapol-etude-jean-paul-willaime-les-protestants-en-france-une-minorite-active-03-2021.pdf (12/04/2021 10:05).