Petite théologie pour minorité active (1/3): prier! Past. Jean-Claude Thienpont

Posté le/Geplaatst op Posted in Méditation, PODCAST

 

Mais quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? (Luc 18v8b)

En décembre 2020 paraissait un ouvrage collectif, Quand une religion se termine… Facteurs politiques et sociaux de la disparition des religions. A son propos, l’historienne Anne Morelli, qui a co-dirigé l’ouvrage, a déclaré: « On pense en effet tous que nos options religieuses ou irréligieuses sont éternelles. Or toute construction culturelle humaine a un début, une période de triomphe et une fin« .

De fait, on ne trouve plus guère, aujourd’hui, d’adorateurs de Baal, d’Astarté ou de Râ, le Dieu-soleil égyptien. Et plus personne n’invoque Zeus, Jupiter ou Thor ou les innombrables divinités qui peuplaient les panthéons grecs, romains ou germaniques. Et il y abondance d’autres exemples.  

Dès lors, si tant de religions sont passées par ces phases d’émergence, de croissance, éventuellement de dominance, puis de décroissance, et finalement d’inexistence (sauf sous la forme de mythe ou de souvenir), pourquoi le christianisme ferait-il exception? Déjà en 1977, l’historien Jean Delumeau posait cette question lancinante en publiant: Le christianisme va-t-il mourir? 44 ans plus tard, la régression des Eglises chrétiennes n’a fait que s’accentuer. En Occident, du moins, car la chrétienté reste en croissance ailleurs dans le monde, malgré les résistances et les persécutions. 

Mais, dira-t-on, cette parole de Jésus, citée au début, ne montre-t-elle pas que Jésus a lui-même prédit ou au moins envisagé la disparition de la foi sur la terre? 

Soulignons d’abord qu’il s’agissait d’une question, pas d’une affirmation. Elle vient ponctuer la parabole de la veuve qui exaspère le mauvais juge (NFC), un de ces petits récits didactiques par lesquels Jésus enseignait ses disciples. Les versets 2 à 5 nous montrent comment l’insistance obstinée d’une veuve finit par vaincre la totale indifférence d’un juge notoirement corrompu. Mais dès le départ l’évangéliste a déjà indiqué (au verset 1) que « Jésus leur disait cette parabole pour montrer qu’ils devaient toujours prier, sans jamais se décourager ». Et la narration est immédiatement suivie de son application, sous la forme d’une double question rhétorique: « Dieu, lui, ne ferait-il pas justice à ceux qu’il a choisis quand ils crient à lui jour et nuit? Et tardera-t-il à les aider? » (v.7a), puis d’une affirmation résolue: « Je vous le déclare: il leur fera justice rapidement » (v.7b). 

Et c’est juste après cette affirmation forte que Jésus ajoute cette question: « Mais quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre? » Elle se rattache donc à l’objectif annoncé au début: ayant suggéré par son petit récit combien, humainement parlant, une insistance persévérante peut produire l’effet désiré à force de répétition, même de la part d’une autorité pervertie, combien plus les croyants doivent-ils faire confiance à Dieu et donc persévérer dans la prière auprès du Père céleste, infiniment bon et juste. 

En fait, comme bien souvent les prophètes de l’ancienne alliance, Jésus évoque ici l’avenir non pas pour figer les choses, mais pour interpeller ses interlocuteurs dans le temps présent: leur foi sera-t-elle jusqu’au bout priante et persévérante comme chez cette veuve? » 

Au-delà des disciples d’alors, la question s’adresse évidemment encore toujours à nous. Le déclin du christianisme dans notre société ne doit pas nous impressionner: les disciples étaient encore bien plus ultra minoritaires que nous ne le sommes aujourd’hui, même s’il est douloureux, par exemple, de constater en ces jours de pandémie à quel point la spiritualité en général, et donc aussi les religions, et donc aussi la foi chrétienne, sont vraiment la dernière, la toute dernière des préoccupations des pouvoirs publics et des médias, et probablement même de la population. La religion apparaît vraiment comme le plus inessentiel des inessentiels. Et les chrétiens comme la plus insignifiante des minorités. 

Mais qu’importe. Jésus ne nous a jamais exhorté à devenir majoritaires ou à dominer le monde et les sociétés qui le composent. Cependant, notre vocation n’est pas d’être une minorité passive, qui subit sa situation. Clairement, Jésus attend de ses disciples qu’ils fassent de la prière persévérante le fer de lance de leur attitude au milieu du monde. Quand bien même nous pesons peu au sein de la société dans laquelle nous vivons, notre rôle premier est donc de maintenir la flamme de la foi, qui va de pair avec l’intercession permanente pour ceux qui nous entourent: notre prochain, notre société, l’humanité. 

Seigneur, accorde-nous de toujours continuer de prier avec une foi qui ne regarde pas aux circonstances, ni aux résistances, mais à la grandeur de ton amour, de ta justice, et de ta puissance. Accorde-nous et augmente en nous une foi telle que Jésus veux la trouver quand il nous visitera! Amen. 

(A suivre…)

1Jean Delumeau, Le christianisme va-t-il mourir?, Paris, Hachette, 1977.