Reculer pour mieux voir!

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Ta parole, Eternel, est pour toujours établie dans le ciel. Ta fidélité dure de génération en génération ; tu as fondé la terre, et elle subsiste. C’est d’après tes lois que tout subsiste aujourd’hui, car tout l’univers est à ton service. Si ta loi n’avait pas fait mon plaisir, je serais mort dans ma misère. Je n’oublierai jamais tes décrets, car c’est par eux que tu me fais vivre. (Psaume 119:89-93)

Une vieille dame trottine dans la rue, son grand sac à main pendant au bout du bras. Un jeune en jeans et baskets pique un sprint dans sa direction. Le clip vidéo nous montre alternativement la dame avec le sac – toute insouciante – et le jeune qui se rapproche à toute vitesse, les yeux rivés sur sa cible. Tout va très vite et on ne peut s’empêcher de penser: « Au revoir le sac! ». Une seconde avant la jonction des deux trajectoires, la caméra recule, l’angle de vision augmente et… on voit le jeune homme intercepter juste à temps le pot de fleur qui risquait de tomber droit sur la tête de la brave dame, totalement inconsciente du danger. Message de cette (ancienne) publicité pour un quotidien anglais: pour bien comprendre ce que l’on voit, il faut prendre du recul. Et pour prendre du recul, il faut évidemment acheter leur journal, seul capable d’aider à dépasser les premières impressions.

En tant que croyants, nous avons aussi besoin de perspective. Des signaux inquiétants nous parviennent constamment, de proche et de loin, et leur somme est impressionnante. Aucun journal ne les traite de façon satisfaisante, mais – heureusement! – nous avons la Parole de Dieu pour nous fournir un cadre interprétatif et nous aider à prendre du recul par rapport à la façon dont, inconsciemment, les choses s’imposent à nous.

La Parole de Dieu?

Dans une interview télévisée (1), le pasteur Carel ter Linden, bien connu chez nos voisins du nord par son rôle d’aumônier de la maison royale des Pays-Bas (il a présidé au mariage du roi Willem Alexander avec Maxima), maintenant âgé de 84 ans, reconnaissait avoir évolué dans sa pensée et son approche de la Bible. Il se disait toujours croyant, mais autrement: autrement que ceux qui l’ont précédé, autrement que lui-même dans son enfance et sa jeunesse (2). Par rapport aux Écritures, il voyait comme une véritable libération le fait de ne plus croire littéralement dans la Bible, mais verbalement.

En soi, cette approche semble sage. L’apôtre Paul n’a-t-il pas averti que la lettre tue, alors que l’Esprit vivifie (3)? Il importe donc de ne pas prendre les textes bibliques mécaniquement au pied de la lettre, sans se laisser guider par l’Esprit de Dieu… qui, cependant, s’exprime avant tout lui-même aussi dans les Écritures et en assure la signification cohérente (l’analogie de la foi).

Cependant, une autre idée se cache dans la formulation « comprendre la Bible verbalement ». Pour ter Linden, la clé herméneutique ne consiste pas à se demander ce que Dieu a voulu dire. Pour trouver le sens du texte, il faut s’interroger sur ce qu’il veut nous dire à notre niveau. On découvre alors non pas la vérité, mais la trace de ce que les humains ont trouvé nécessaire à une certaine époque pour élaborer leur vivre-ensemble. Ainsi, les récits de la résurrection ne constituent pas un reportage sur quelque chose qui s’est passé, mais véhiculent un sens supra-humain, donc interpersonnel permanent. Pour lui, la résurrection est une (belle) légende, mais elle peut inspirer des pensées et des comportements utiles.

Cette approche est devenue la clé herméneutique prédominante dans le monde théologique académique dominant, dans beaucoup d’Églises protestantes et au sein de l’intelligentsia non religieuse (4). Les discours de bon nombre de pasteurs de l’EPUB s’inscrivent dans cette lecture humaniste des Écritures et encore récemment son président est allé jusqu’à affirmer que « La Bible ne dit rien du tout », invitant plutôt à la lire comme « un gros livre des humains sur Dieu », dans lequel se trouvent le reflet des expériences et des pensées humaines sur « le mystère de la vie que nous appelons Dieu ». De cette façon, « croire devient une quête » et « on lit la Bible de façon plus détendue » (5).

Une telle Bible est-elle apte à nous fournir ce recul, cette mise en perspective dont nous avons besoin pour aborder les défis de la vie? En fait, si elle n’est qu’une parole humaine à propos de Dieu ou du divin, voire de l’humain, elle n’a guère plus de pertinence que d’autres discours du même genre, qu’ils soient religieux ou philosophiques. Certes, la démocratie implique que chacun puisse librement aller se servir au rayon de son choix dans le grand supermarché des idées. Mais rien n’élève alors au-delà du niveau humain: nous restons dans le vase clos des idées et des perspectives humaines. C’est ce qui conduit à l’aplatissement du discours religieux en un discours essentiellement social, que nous constatons continuellement autour de nous.

Si par contre, tout en transitant par des êtres de chair et de sang, prophètes, chroniqueurs et apôtres, les écrits bibliques constituent bien un message voulu et guidé par un Dieu personnel qui communique verbalement, la Bible est différente de tous les autres textes et demande une lecture spécifique. La clé d’interprétation ne consiste alors pas en une infinie variété de spéculations sur les possibles raisons qui auraient conduit à de nobles et riches pensées, mais en la compréhension croyante de l’histoire du salut. C’est cette lecture historico-rédemptive de la Bible (6), donc du plan de salut élaboré par Dieu pour sauver l’humanité, réalisé en Jésus-Christ et sans cesse actualisé sous la conduite de l’Esprit, qui permet de situer les événements qui traversent nos existences, la société, l’Église et le monde dans une perspective plus large, au-delà des perceptions immédiates et des souvent si terrestres impressions premières.

La Bible, en tant que Parole de Dieu, est la clé herméneutique de l’existence, et non l’existence, en tant que réflexion humaine sur les mystères de la vie, la clé herméneutique de la Bible!

C’est cette Parole, entendue, lue et reçue en tant que Parole inspirée de Dieu (theopneustos, dans 2 Tim. 3:16), sans oublier de la mettre en pratique, qui nous donnera le recul nécessaire pour interpréter de façon pertinente les mystères et les défis de l’existence. Et pour y réagir de façon appropriée.

Que Dieu nous y aide, tout au long de cette nouvelle année!

Jean-Claude Thienpont
Pasteur EPUB 
(Janvier 2018)

(1): « De verwondering », avec Annemiek Schrijver, NCRV, 06/08/2017.
(2): Dans une autre interview, il reconnaît éprouver une certaine nostalgie pour les prières « naïves » de son enfance.
(3): 2 Cor. 3:6.
(4): Emmanuel Carrère, pour ne citer qu’un exemple, dans Le Royaume (2014).
(5): Soirée œcuménique à la maison Erasme (Anderlecht) le 22 novembre 2017. Consultable via http://nl.protestant.link/als-we-meer-eenheid-geloven-moeten-we-er-ook-meer-bidden/; 10/01/2018 09:05.
(6): Cf. Herman Ridderbos.